Ces putards qui nous gouvernent
Un violeur n'est jamais un bon père, ni un bon mari, ni un bon politicien
Traduction de Prostitución, puteros y la izquierda, Rosa Cobo, infoLibre, 23 juin 2025
La prostitution, les putards et la gauche
Ces derniers jours, la prostitution est devenue un sujet de débat généralisé. Les enregistrements de conversations entre les politiciens Ábalos et Koldo ont d’abord révélé un réseau de corruption que l’on n’aurait jamais soupçonné au sein d’un gouvernement et d’un parti arrivés précisément en politique pour faire le ménage après les scandales du Parti populaire.
Mais cette discussion sur la corruption contenait aussi un enregistrement où Ábalos et Koldo exprimaient leur intention d’avoir des relations sexuelles avec des femmes en situation de prostitution. L’échange d’appréciations entre les deux hommes au sujet de ces femmes a montré le cœur même de cette réalité sociale : dans la prostitution, les femmes sont des objets, des choses, des marchandises et, de ce fait, des proies faciles pour leur déshumanisation. Et la déshumanisation est la condition qui permet de justifier toute forme de violence à leur égard. Le féminisme a eu (et a toujours) historiquement raison : la prostitution est une forme criminelle de violence sexuelle. Elle constitue aussi une violation des droits humains des femmes arrachées à leur famille, à leur environnement et à leurs propres aspirations de vie par la pauvreté.
Cette conversation entre les deux hommes met à nu l’imaginaire des putards, pour qui les femmes prostituées ne sont qu’un moyen de jouir du pouvoir qu’ils exercent sur elles. Ce plaisir du pouvoir leur renvoie une image d’eux-mêmes comme étant des êtres puissants, presque omnipotents. Leur pouvoir se nourrit de l’absence de limites à leurs propres désirs et de l’absence de résistance à leurs exigences. L’impunité est le socle sur lequel prospèrent à la fois la corruption et la prostitution.
Il n’est pas non plus surprenant qu’au beau milieu de conversations sur les commissions et l’argent sale apparaisse aussi l’achat de femmes prostituées. Les économies illégales ne fonctionnent pas de manière isolée : la corruption, la prostitution, la drogue et d’autres économies illicites opèrent ensemble, se nourrissent mutuellement, utilisent les mêmes circuits semi-institutionnalisés pour rentabiliser leurs bénéfices. Il y a peu d’endroits où la prostitution a une place aussi assurée et inévitable que dans les réseaux de corruption.
La conversation entre Ábalos et Koldo est une conversation parmi d’autres — et pas des plus violentes — qui ont lieu dans les forums de putards où les femmes prostituées sont notées et classées en fonction de différents critères. De leur origine à certaines caractéristiques de leur corps, mais aussi, et surtout, la note dépend du fait qu’elles ne montrent aucune résistance aux désirs des violeurs. Écouter cette conversation entre ces deux putards nous oblige à nous poser des questions : après cet audio, comment argumenter que la prostitution est un travail ? Comment soutenir que les putards ne doivent pas être sanctionnés et que le proxénétisme ne doit pas être poursuivi ? Comment ne pas faire une loi abolitionniste de la prostitution ? Comment certains secteurs de la gauche peuvent-ils défendre l’idée que la prostitution n’est pas une rupture extrême de l’égalité et une forme intolérable d’exploitation sexuelle ? Comment la gauche peut-elle retrouver son bon sens ?
C’est pourquoi, et j’en viens à la deuxième question, le congrès du syndicat Comisiones obreras (« Commissions ouvrières »), tenu ce week-end, corrige en partie cette contamination néolibérale qui a pénétré jusqu’aux recoins idéologiques les plus profonds de certains discours de gauche. En affirmant que la prostitution est une forme de violence sexuelle et d’inégalité patriarcale et en refusant que les [corps des]1 femmes puissent être des lieux de travail, le syndicalisme de classe a admis que [les corps] des femmes ne peuvent pas être des articles sur un marché de consommation masculine.
Je me demande si cette position politique sans équivoque de Comisiones obreras, fruit d’un long travail du féminisme de classe au sein du syndicat, marque le début d’une nouvelle ère idéologique pour la gauche. Je me demande si les applaudissements de Yolanda Díaz, vice-présidente du gouvernement, au secrétaire général de CCOO, Unai Sordo, quand il déclarait que la prostitution, c’est de l’exploitation sexuelle, annoncent un changement de cap de cette gauche qui voit dans la prostitution un acte de liberté (néolibérale) des femmes prostituées.
— Rosa Cobo
Je parlerais personnellement directement des femmes et non de leurs corps. Les femmes, dans leur entièreté, ne sont pas des lieux, ni des produits à vendre. Quand une femme est violée, ce n’est pas son corps seul qui subit l’agression.